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Protection du patrimoine personnel en entreprise individuelle : qu’en est-il vraiment ?

Mise à jour le 09/02/2023 5 min Marie-Laure Bouchet

La récente fusion du régime de l’EI et de l’EIRL a fait naitre un statut unique qui se veut plus protecteur et pour lequel on ne tarit pas d’éloges puisque qu’au premier coup d’œil, celui-ci a tout pour plaire ! Il permet de cumuler les avantages d’une entreprise individuelle (peu de formalités à la création) et les avantages d’une société (option pour l’impôt sur les sociétés et patrimoine personnel automatiquement protégé).  Malgré tout, il se pourrait bien que le statut promis comme étant plus protecteur ne le soit pas autant qu’on aurait pu l’imaginer ! En effet, ce point reste encore quelque peu évasif quant à la distinction des biens professionnels et personnels si ces derniers sont autant exploités à des fins professionnelles que personnelles ! Alors qu’en est-il de la protection du patrimoine personnel en entreprise individuelle ?

L’utilisation des biens personnels à des fins professionnelles étant très répandue pour les freelances qui se lancent en indépendant, nous préférons attirer l’attention de ceux qui souhaitent s’installer en entreprise individuelle sur quelques points.

Protection du patrimoine personnel de l’entrepreneur individuel : que dit le décret ?

Le décret n°2022-725 du 28 avril 2022 définit l’étendue de la protection du patrimoine personnel en désignant les biens professionnels comme des « biens utiles à l’activité professionnelle ». Tous les biens utiles à l’activité professionnelle sont donc considérés comme étant des biens professionnels qui, par nature, sont saisissables de plein droit par les créanciers professionnels. 

Voici la liste des éléments qui correspondent à cette définition selon le décret :

  • Le fonds de commerce, fonds artisanal ou fonds agricole, avec tous les biens corporels ou incorporels qui les constituent ainsi que le droit de présentation de la clientèle d’un professionnel libéral,
  • Les biens meubles (marchandise, matériel, outillage, matériel agricole) ainsi que les moyens de mobilité pour les activités itinérantes telles que la vente et les prestations à domicile, les activités de transport ou de livraison,
  • Les biens immeubles servant à l’activité y compris la partie de la résidence principale de l’entrepreneur individuel utilisée pour un usage professionnel,
  • Les biens incorporels comme les données relatives aux clients, les brevets d’invention, les licences, les marques, les dessins et modèles, et les droits de propriété intellectuelle, le nom commercial et l’enseigne,
  • Le fonds de caisse, ce qui correspond à toutes les sommes conservées sur le lieu d’exercice de l’activité professionnelle et les sommes inscrites aux comptes bancaires dédiés à cette activité.

Focus sur la résidence principale : une confusion est-elle possible si la résidence principale est utilisée à des fins professionnels ?

Si on reprend le récent décret qui liste la totalité des biens considérés comme professionnels, sont considérés comme des biens utiles à l’activité professionnelle, « les biens immeubles servant à l’activité, y compris la partie de la résidence principale de l’entrepreneur individuel utilisée pour un usage professionnel ». Ceci laisserait entendre que la résidence principale utilisée à des fins professionnelles pourrait entrer dans la catégorie des biens professionnels. Le risque ? Voir votre patrimoine personnel exposé aux remboursements de créances professionnelles.

S’il est bien fait mention que l’unique partie affectée à un usage professionnel serait définit comme étant un bien professionnel, on n‘est jamais trop prudent quand il s’agit de la protection du patrimoine personnel. Compte tenu des imprécisions concernant la frontière entre biens professionnels et biens personnels, il nous semble préférable de faire preuve de prudence.  

A noter : l’insaisissabilité s’applique automatiquement sur la résidence principale de l’entrepreneur depuis le 7 août 2015. Lorsque celle-ci est utilisée en partie pour un usage professionnel, la partie réservée à l’habitation reste de droit insaisissable.

Par mesure de précaution, si vous vous orientez vers la création d’une entreprise individuelle, vous pouvez réaliser une déclaration d’insaisissabilité auprès d’un notaire.

Si votre principale intention est d’opter pour l’impôt sur les sociétés, l’entreprise individuelle est-elle le statut le plus favorable ?

L’option pour l’impôt sur les sociétés est un atout considérable puisque cela permet d’imposer votre bénéfice au taux réduit de 15 % jusqu’au 42 500 premiers euros (25 % au-delà) et ainsi éviter l’imposition selon le barème progressif de l’impôt sur le revenu dont la tranche marginale d’imposition peut s’avérer bien plus élevée.

En ce qui concerne la rémunération, vos possibilités sont désormais plus larges :

  1. Si vous vous versez une rémunération (statut TNS), celui-ci est taxé selon le barème de l’impôt sur le revenu.
  2. Si vous vous versez des dividendes, ceux-ci sont imposés à la flat tax (ou sur option, au barème de l’impôt sur le revenu) dans une certaine limite.

En effet, les rémunérations de l’entrepreneur ainsi que la fraction des dividendes distribués excédant 10 % du bénéfice net ou 10 % du capital affecté sont soumises aux cotisations sociales. De ce côté, il pourrait être intéressant de comparer avec la SASU, un statut particulièrement avantageux pour le versement de dividendes notamment.

En effet, si vous voyez l’option pour l’impôt sur les sociétés comme un avantage, il peut être préférable de vous tourner vers la société (la vraie) dont les tenants et aboutissants ne sont plus à prouver et qui a le mérite d’avoir un cadre juridique précis. En lançant votre activité freelance en Société par Actions Simplifiée Unipersonnelle (SASU), aucun flou juridique n’est à l’horizon. Faites appel à un professionnel de la création d’entreprise pour choisir le statut juridique le plus adapté à votre situation et à votre projet d’entreprise.

Qu’en est-il pour le véhicule personnel utilisé à des fins professionnelles ?

Le décret inclut dans les bien utiles à l’activité professionnelle « les moyens de mobilité pour les activités itinérantes telles que la vente et les prestations à domicile, les activités de transport ou de livraison ». Le véhicule personnel qui entre dans cette définition peut ainsi être saisi en cas de difficultés financières.

Quelles sont les exceptions qui rendent saisissables vos biens personnels ?

Si votre patrimoine personnel est « automatiquement » protégé, celui-ci devient en revanche saisissable dans les cas de figure suivants :

  • En cas de manœuvres frauduleuses et en cas de manquement grave et répété concernant des obligations sociales ou fiscales.
  • Pour certaines dettes provenant de l’administration fiscale ou de l’organisme de sécurité sociale. Il s’agit des créances suivantes : la CSG, la CRDS et la taxe foncière sur les biens immeubles utiles à votre activité professionnelle.
  • Si vous renoncez à la protection d’un élément de votre patrimoine personnel pour l’utiliser en garantie d’une dette professionnelle (par exemple pour obtenir un emprunt pour les besoins de votre entreprise) en remplissant un acte de renonciation.

Entreprise individuelle ou société ? Que choisir ?

Nos experts font la lumière (au regard du nouveau statut pour les indépendants) sur ce qui différencie les deux statuts dans notre article bien choisir entre la création d’une entreprise individuelle ou d’une société, .

Quoi qu’il en soit, ne vous précipitez pas vers le statut unique de l’entreprise individuelle sans avoir été préalablement conseillé par un professionnel pour vous aider dans votre prise de décision. De nombreuses questions restent encore en suspens concernant la création de ce nouveau statut. En attendant de nouvelles précisions, il est fortement recommandé de ne pas vous lancer seul sans savoir où vous mettez exactement les pieds !

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Article publié initialement le 16 juin 2022

Marie-Laure Bouchet

Content manager, rédactrice économique (gestion, développement des entreprises), spécialisée dans les sujets relatifs à l’accompagnement des petites entreprises.

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